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L'énergie qui divise: réflexions anarchistes sur le nucléaire
C’est 2019, l’été, dans une forêt paumée en Allemagne. Il fait plus de 40°C à l’ombre : ma peau est ternie par deux semaines à hurler, hilare, “Ein Solution, Nieeeemals Duschen!” avec mes nouveaux camarades. On est allé au bord du grand trou. À l’horizon, il apparaît : le Bagger 293, un monstre de 14,200 tonnes d’acier, qui dévore la terre pour en extraire le précieux charbon. Je suis partagéx entre l’admiration d’ingénierie que représente cette machine et le dégoût politique qu’elle me provoque. Tout ça pour du charbon.
Mes errements philosophiques se font pas long. La sécurité de la mine débarque en pick-up même si on est pas vraiment rentréxs dans le périmètre, et nous pourchassent dans la forêt. Plusieurs camarades sont embarqués. On les reverra que le lendemain.
Mon enfance et mon adolescence ont été bercées comme pas mal de gamins, par la télé, des chaines d’information aux émissions de vulgarisation type C’est pas Sorcier. En plus j’étais fana de sciences, donc je bouffait du Science et Vie Juniors et des vieux Okapi de mon cousin. De fait, mon image du nucléaire a longtemps été celle du consensus, du libéral. Le nucléaire, c’est super ! Parfois en quittant ma campagne bressanne natale avec les parents, je voyais au loin une usine, comme dans les films : de grandes tours surmontées de panaches de fumée. Elle était là, sous mes yeux, l’énergie du future, tellement puissante qu’elle en passerait pour de la magie. En grandissant j’ai aussi commencé à militer dans le cyberespace. Mon truc, c’était le piratage, la vie privée et les logiciels libres. Data Must Flow. Donc le nucléaire, c’est pas au programme.
Adulte, j’ai fini dans une grande ville. J’ai commencé à militer, dans “le vrai monde réel de la vraie réalité véritable”. J’ai logiquement intégré la terrible Extrême Gauche. D’ailleurs je me souviens à peu près de ma première vraie exposition à l’idée de l’anti-nucléaire, une soirée sur le thème dans un grand squat de la région. C’est rentré dans ma normalité d’entendre des discours anti-nucléaires. Même de grandes figures de l’écologie comme greenpeace étaient d’accord.
Do I contradict myself?
Very well then I contradict myself,
(I am large, I contain multitudes.)
Song of Myself, 51, WALT WHITMAN
Qu’importe le milieu, chaque fois que le sujet revenait, dans un sens ou dans l’autre, je commençais à m’agiter. Je savais pas pourquoi. Y avait un truc qui me travaillait.
Un jour j’ai fini par tiquer : j’ai été exposé, et ai adhéré, au meilleur et au pire des arguments pro-nucléaire. Et pareil pour l’anti-nucléaire. Je savais plus sur quel pied danser.
Mais en fait, c’est quoi ma position, à moi, sur le nucléaire ?
Comment concilier ses idéaux politiques contradictoires et son désir de savoir, de comprendre, concrètement, sur un sujet aussi complexe ?
J’ai fini par me dire qu’avoir des contradictions, c’est si mal. C’est un bon moyen de danser sur les deux pieds pour mieux comprendre.
Donc, le voilà, mon effort de recherche et de synthèse, sur le sujet de l’énergie nucléaire civile, en espérant pouvoir reconstruire une vraie position politique sur le sujet, sans renier les faits.
TROP LONG; PAS LU(TL;PL)
Les écolos mentent et se plantent sur le nucléaires et utilisent des arguments fallacieux. Le nucléaire est une énergie incroyable avec des avantages monstrueux, et quelques inconvénients en soit résolvables. Mais le gros problème, c'est que la structure même du nucléaire et l'industrie qui va autour est incompatible avec la démocratie, de part sa centralisation, sa complexité et son secret.
Sommaire
Verts de peur : les écueils écolos#
Un des grands trucs qui m’ont le plus travaillé sur le sujet toutes ces années, c’est la régularité avec laquelle le camp “écologiste” anti-nucléaire s’appuie non seulement sur une communication de la peur digne des Simpsons, mais aussi carrément sur de la désinformations : les barils jaunes dégoulinants de slime fluo qui entourent une cocotte minute de fortune sur le point de raser un pays.
On peut donc difficilement aborder le sujet de manière pragmatique sans d'abord faire une mise au point sur l'approche désastreuse qui est faite par le camp écologiste.
D'oh! Les déchets fluos#
Premier point : les déchets nucléaires ne sont pas à l'image des jeux vidéos et des films. En lieu et place de barils de liquide fluorescent, les déchets nucléaires dits "de haute activité" sont coulés dans du verre dans des containeurs en inox, et le tout protégé de manière à empêcher même un impact très violent de faire céder la gaine en béton. Ces "colis" sont testés de manière intensive, et il est même possible de rester à côté de ceux-ci sans recevoir de dose perceptible de radiations.
Les barils jaunes sont en réalité des déchets de faible intensité, comme des gants ou des outils, et sont stockés sous forme solide et régulièrement inspectés: très peu de risque de ce côté là aussi donc.
Certaines zone d'enfouissement sont d'ailleurs tellement sûres qu'elles sont accessibles au public, comme le centre de stockage de la Manche.
The government let me kiss nuclear waste. -- Kyle Hill (YouTube)
Et si on oubliait nos déchets nucléaires ? ☢️ -- Linguisticae (YouTube)
La quantité de déchet et de pollution#
Ensuite, concernant la nature et la quantité des déchets nucléaires. Pour commencer, tous ne sont pas issus de l'industrie électrique : la recherche et la médecine en produisent également. Ensuite, en france la production d'électricité nucléaire génère 56 400t par an de déchets nucléaire de faible activité, et 360t de déchets de haute activité. Rapporté par habitant, cela représente respectivement 940g et 5.65g par habitant-e.
Pour resituer, la quantité de CO2 émise en 2022 est de 41 milliards de tonnes.
En parallèle de cela, le nucléaire est moins polluant que le photo-voltaïque et l'éolien, y compris en prenant en compte le cycle de vie (de la construction au démantèlement, en passant par la production) : ce qui n'empêche pas Greenpeace de mentir et d'affirmer l'inverse.
Électricité verte selon Greenpeace: l'écologie dogmatique. -- Le Réveilleur (YouTube)
La sécurité#
À la manière des avions, le nucléaire souffre de l'effet choc des accidents majeurs qui ont eu lieu au travers de l'histoire. Pourtant, rapporté au Terawatt-heure (unité de production), le nucléaire est bien, bien en dessous des autres sources d'énergie avec 0.03 mort par TWh contre 18.43 pour le pétrole. De la même manière que, quoi qu'on en pense, l'avion reste le moyen le plus sûr de voyager, et est soumis à des contrôles intenses, le nucléaire est une des énergies les plus sûres disponibles, et l'histoire le prouve malgré les incidents marquants. On aborde rarement les morts réguliers sur les puis de forage de pétrole, dans les usines, lors d'incidents réguliers en pétro-chimie...
Ensuite, les activistes anti-nucléaires dont Greenpeace prennent un malin plaisir à démontrer une supposée faille de sécurité en entrant dans les centrales pour déployer des banderoles. Mais qu'est ce que ça prouve ? De la même manière qu'il est difficile d'évaluer un antivirus puisque que le seul indicateur que l'on a est l'antivirus lui-même, le fait que quatre pinpins écolos arrivent à rentrer sur site n'est pas une bonne manière d'évaluer la sécurité d'une centrale : peut-être que la sécu n'y a vu que du feu, ou peut-être qu'au contraire ils ont correctement évalué la menace.
Les alternatives renouvelables#
Tout le monde cherche une solution pour le futur, et le grand cheval de bataille des écolos, c'est le renouvelable. Or, les énergies comme le photo-voltaïque ou l'éolien souffre d'un défaut critique : elles ne sont pas pilotables, c'est à dire qu'on ne contrôle pas totalement la production car, well, on ne contrôle pas le vent et le soleil. Or, pour compenser ça, il nous faudrait des technologies de stockage pour compenser dans les périodes de creux en renvoyant de l'énergie précédemment stockée. Et ces technos ne sont pas du tout prêtes pour une production industrielles, et malgré les annonces de certaines start-up ne sont pas prêt de l'être. Il nous faut donc une solution pour une production "de base" à laquelle ces énergies s'ajoutent, et hormis le nucléaire, toutes sont extrêmement polluantes.
Noyaux dur : le nucléaire à la cool#
Ensuite, il nous faut parler de pourquoi, le nucléaire c'est cool. Faisons un point rapide sur ses forces, pour savoir de quoi on parle.
energy density#
Le nucléaire présente une "densité énergétique" (comprendre, la quantité d'énergie qu'on peut produire avec une certaine masse de combustible) incomparable. On parle de l'équivalent d'une tonne de charbon, 120 barils de prétrole, ou 480 m3 de gaz naturel pour une pastille de réacteur nucléaire.
L'uranium omniprésent#
Un truc qui m'a surpris en me renseignant plus sur le nucléaire, c'est que jusqu'en 2001 on minait de l'uranium en france. Aujourd'hui, notre uranium vient principalement du Niger, mais il fut un temps où on produisait en circuit court, au moins partiellement. Près de 76,000 tonnes d'uranium ont ainsi été produites.
La dernière mine d'uranium française encore en activité ferme ses portes (Les Échos)
recyclable à 94%#
Autre truc surprenant, les produits de fission sont recyclables. À 94% à vrai dire. Autrement dit, il existe un monde où le circuit d'approvionnement en combustible est partiellement en circuit fermé, limitant ainsi la quantité de minage nécessaire. Pour ce qui est de ce qui est effectivement recyclé, on y reviendra.
Nucléaire : vers un recyclage infini du combustible ? (La tribune)
Peu carboné#
Enfin, le nucléaire est une énergie très bas carbone : on parle de 4g de carbone par kWh, contre 986g pour le charbon et 50g pour le photovoltaïque.
CO2 emissions per kWh of electricity generated in France (RTE France)
What Is the Carbon Footprint of Solar Panel Manufacturing? (Solaris Renewables)
CO₂ emissions by fuel (Our World In Data)
Tout cela dépeint une énergie ultra-dense, ultra efficace, recyclable et peu polluante.
Bernard
Mais si ces écologistes motivés par une peur irrationnelle d’une technologie pourtant si sûre font de la désinformations pour manipuler le grand public, nous serions nous trompé de camps ? Notre salut se trouverait-il du côté de la grande et sublime industrie nucléaire note de relecture foreshadowing trop peu subtile
L’atome maturé : là où ça bloque#
L’électricité, seule responsable des gaz à effets de serre ?#
Premier à-priori : le nucléaire ne concerne (en tout cas, à l'heure actuelle) que le secteur de l'électricité. Or, celle-ci ne constitue que 17% (17%) du total de l'énergie produite. Le reste étant réparti entre les usines, le transport, le chauffage, etc. Le tout nucléaire n'est donc de toute façon pas au programme.
Notre salvation Soon™#
2035/2037. C'est la date de mise en service promise pour les futurs réacteurs EPR2 de Penly, au nombre de deux. Construire une centrale nucléaire, ça prend du temps, et même avec la promesse d'une architecture simplifiée, il semblerait que le nucléaire ne soit pas en mesure d'être monté en puissance assez vite pour contrer le réchauffement climatique : n'imaginons donc pas à l'échelle planétaire. Après 17 ans de travaux, l'EPR de Flamanville vient tout juste d'être mis en service et est source de nombreux scandales et un budget qui a explosé.
Nucléaire, enquête sur un fiasco français -- BMFTV (YouTube)
Techniquement, c'est recyclable#
Si vous avez étez attentif-ves à la communication du secteur nucléaire français, un truc a dû vous faire tiquer. Ils répètent à l'envie que les produits de fission sont recyclables à 94%, mais ne disent jamais qu'ils recyclent. Le reportage de Complément d'Enquête sur les déchêts nucléaires le démontre admirablement en prenant au piège une porte parole en demandant la part de déchets effectivement recyclée : elle se contente de répondre qu'ils sont recyclables à 94%. À vrai dire, le seul combustible recyclé l'est en Russie, où l'on envoie une partie de nos déchets, qui nous renvoie ensuite du combustible. Les implications géo-politiques ne sont pas à démontrer, et le secteur du recyclage de combustible en france est loin de la phase industrielle.
Déchets nucléaires : quand nos poubelles débordent (Complément d'Enquête)
La dépendance#
Novembre 2022, neuf mois après l'invasion de l'ukraine par la russie, 10 containers d'uranium naturels et 27 fûts d'uranium enrichis sont livrés depuis la russie comme relevé par un journaliste Médiapart. Rien d'étonnant, car la france envoie régulièrement ses déchets nuléaire en russie pour être stockés ou révalorisés. En février 2024, le Canard Enchainé relève un marché de 860 millions d'euros remettant entre les mains d'Amazon l'infogérance d'une partie des données du parc nucléaire.
La complexité du nucléaire entraine des dépendances géopolitiques et privées, desquelles il est difficile de se déméler quand le vent tourne.
Nos déchets nucléaires sont cachés en Sibérie -- Libération
Ce matin 10 containers d’uranium naturel et 27 fûts d’uranium enrichi en provenance de Russie ont été livrés à la France sur le port de Dunkerque. C’est la 1ère fois depuis le début de la guerre en Ukraine qu’on a la preuve de l’importation en France d’uranium naturel russe. @Lindgaard via twitter
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EDF fait appel à Amazon pour gérer une partie des données numériques de son parc nucléaire. Un marché à 860 millions d’euros. De quoi faire disjoncter certains cadres qui pointent un problème de cybersécurité... Le Canard Enchainé via twitter
Le formulaire A38 : Complexité réelle ou artificielle#
Celle-là je vous la sort texto de Wikipédia, car quand j'ai découvert ça, je suis tombéx dans un mélange d'hilarité et d'incompréhension :
À titre d'exemple, l'EPR recense 13 300 références de robinetterie, réduites à 571 pour l'EPR252 ; également, les EPR d'Hinkley Point C comportent 400 références de tuyaux, diminuées à 250 pour l'EPR2 ; ou encore 1 700 modèles de portes (pour la plupart uniques) dans l'EPR de Flamanville, chiffre abaissé à 100 pour l'EPR2. Des efforts de standardisation sont également engagés, comme l'utilisation de références de tuyauterie déjà utilisées et qualifiées, notamment dans l'industrie pétrolière ou gazière.
Evolutionary Power Reactor 2 - EPR 2 : Amélioration par rapport à l'EPR (Wikipédia)
Deux possiblités pas incompatibles :
- La construction d'une centrale nucléaire est infiniment plus complexe que ce que l'on peut décemment imaginer
- L'industrie nucléaire ne sait pas ce qu'elle fait
Dans la même veine :
Pour des raisons de coûts, EDF fait un recours massif à la sous-traitance en cascade. Un rapport parlementaire a noté jusqu'à huit niveaux de sous-traitance (note 91). Les salariés des sous-traitants sont moins bien payés que les salariés d'EDF et sont également moins bien formés. Leur suivi médical est insuffisant (note 92). Un salarié précaire va parfois chercher à minimiser la valeur d'irradiation montrée par son dosimètre individuel de peur de perdre son emploi (note 93).
Débat sur l'énergie nucléaire : Risques liés à la gestion des ressources humaines (Wikipédia)
Nul doute que le nucléaire est complexe. Les questions qui se posent sont : à quelle point le nucléaire est-il réellement complexe ou l'industrie nucléaire souffre d'une complexité artificielle par dessus ça ? Et quelle complexité "réelle" peut-on se permettre pour ce qui doit être le cœur de notre électricité ?
Pollution et canicule#
Le nucléaire est bien moins polluant que toutes les autres énergies : c'est un fait. Il est d'ailleurs moins polluant que le solaire et l'hydroélectrique, aussi perturbant que ce soit.
Néanmoins, c'est assez fascinant de voir les pro-nucléaires répéter que le nucléaire est peu polluant en prenant systématiquement l'angle du "carbone". Pour des pro-méthodes scientifiques, la régularité avec laquelle iels se réfèrent à une définition étroite de la pollution est fascinante. Au delà des déchets nucléaires, cette énergie pose des problèmes de rejets et de température des rivières. En conséquence, les autorités contrôle font le choix... De changer les valeurs limites pour rester dans les clous. Avec le réchauffement climatique, les centrales doivent de plus en plus souvent réduire voire stopper leur production pour encaisser l'augmentation de témpérature des rivières. Difficile donc de prévoir comment l'infrastructure réagira sur le long terme, surtout dans le cas d'un élargissement du parc nucléaire.
La canicule donne un coup de chaud à l'option nucléaire -- Libération
En cas de dépassement de ces valeurs limites, l’exploitant doit réduire la puissance du réacteur ou l’arrêter. Un assouplissement temporaire des valeurs limites des rejets thermiques peut être autorisé par l’ASN en cas de besoin du réseau électrique, comme cela a été le cas durant les épisodes caniculaires des étés 2003 et 2006. Dans ce cas, la surveillance de l’environnement est renforcée. Fonctionnement des réacteurs nucléaires en période de canicule -- Autorité de Sureté nucléaire
Le retour du nucléaire compromis#
Passer toute notre consommation en énergies renouvelables nécessiterait une quantité d'argent, d'adaptations et de technologies énorme. Mais le passage au tout nucléaire, même "transitoire", réclame des filiales gigantesques et complexe, une montée en compétence de dizaines de milliers de personnes en quelques années, des garde-fous et des infrastructures de traitement de déchets inexistant-es à l'heure actuelles, sans compter les problèmes déjà évoqués. Cet investissement se ferait aux dépends des autres énergies et innovations, et il est perturbant de voir que les énergies renouvelables sont systématiquement comparées telles qu'elles existent au potentiel futur lointain brillant du nucléaire. Pour évaluer le problème, on se doit de comparer présent à présent, futur à futur.
Les grands mots: modèle de gouvernance#
Mais finalement, la transparence, c'est LE problème du nucléaire. À quelques détails près, le seul et l'unique. Mais un problème d'importance capitale: peut-on réellement mettre notre futur entre les mains d'une industrie qui par sa nature profonde fonctionne en base clos et se rit des enjeux démocratiques
Tchernobyl et la demi-vie du mensonge#
Le saviez-vous ? Le mensonge autour des nuages radioactifs de Tchernobyl n'aurait jamais eu lieu.
C'est ce qu'affirme Tristan Kamin, partisan très vocal du nucléaire affirme sur son blog dans un article intitulé Tchernobyl et les douaniers français
Plusieurs couches de merdier:
- les journalistes et le pouvoir ont affirmé que le nuage s’était arrêté à la frontière
- Sauf que non, apparemment, c’était une illusion collective
- sauf que sauf que, ne jouons pas sur les mots, les médias et le pouvoir ont prétendu sans savoir qu’il n’y avait aucun risque, puis un risque minime. Cette volonté de rassurer sans base solide a logiquement explosée sous la forme d’une opprobe populaire, car à défaut d’avoir ostensiblement menti, le gouvernement et les médias ont minimisé les risques en dépit des faits, créant un manque de confiance légitime: même si il n’y avait pas besoin d’acheter de pastilles d’iode. Du coup dire “ils sont pas dit la frontière”, c’est faire preuve de mauvaise foi en prenant au pied de la lettre
- fondamentalement on a dit aux gens, “ne vous inquiétez pas”
Replaçons le contexte : la nouvelle sort qu’une centrale nucléaire, située en ukraine, vient d’exploser et est en train de recracher des particules radioactives dans l’atmosphère. Avec presque 40 ans de reculs, c’est relativement facile de penser pouvoir deviner l’étendue de la zone impactée. Mais à l’époque, tout ce que les gens savaient, c’est qu’un nuage radioactif se baladait pas très loin de leur maison. La panique est donc, assez logique : et le besoin de rassurer l’est tout autant. Non, vous n’avez pas à creuser un trou dans le sol pour vous y réfugier comme abris anti-atomique de fortune. Mais la ligne entre rassurer et mentir est aussi fine qu’une enceinte de protection de 3m de béton. Agiter les modèles météo en disant, “regardez, c’est un miracle, on ne sera pas touché” revient à dire que le nuage allait s’arrêter à la frontière, que ça soit dit comme ça ou pas. Le calcul qui s’est opéré dans la tête des dirigeants est assez simple à deviner : la France s’était lancée tête bêche dans le nucléaire la décennie avant, et un accident côté soviétique risquait de faire basculer l’opinion publique. Il ne fallait pas fléchir. Pas maintenant.
Sous l'océan#
Le saviez vous ? Les gouvernements ont passé une bonne partie de la seconde moitié du XXe siècle à balancer des déchets nucléaires dans les profondeurs des océans. Si l'Union Soviétique est la plus grande fautive, on a aussi entre autres les US, la Suisse et le Japon. Le truc, c'est qu'on nous a affirmé que ces barils et autres déchets étaient stables. Or, on sait aujourd'hui qu'ils relâchent lentement mais sûrement des éléments radioactifs au fond des océans. Au delà d'une erreur faite il y a des décennies, il y a de quoi se questionner sur les promesses systématiques de "sécurité" des dépôts de déchets par l'industrie nucléaire. Ils ont menti avant, comment peut-on être sûr-es qu'ils ne mentent pas maintenant ?
Radioactive waste, baby bottles and Spam: the deep ocean has become a dumping ground -- The Guardian
It’s not just toxic chemicals. Radioactive waste was also dumped off Los Angeles coast -- LA Times
flamanville#
Flamanville, c'est une centrale nucléaire qui a mis 17 ans à sortir de terre. C'est l'exemple type de ce que le nucléaire est aujourd'hui : un projet opaque, coûteux même au delà des estimations, une complexité folle et un retard démentiel.
Pour commencer, le coût a été multiplié par six, la faute à de mauvaises estimations initiales et divers soucis durant le chantier
La cuve, élement centrale du système, souffrait d'anomalies, la faute à un rachat de Creusot-Forge par Bolloré, qui entrainera un effondrements des standards de production et une magouille sous forme d'un rachat à 800 000 euros suivi d'une revente à Areva pour 170 millions d'euros. Les alertes sur la production de la cuve remontant jusqu'à à 2005 sont passées sous le tapis, et la cuve est quand même installée.
Nucléaire : nouveau coup dur pour l'EPR de Flamanville -- Les Échos
Le rapport remis au gouvernement par Jean-Martin Folz fait état d'un projet dont les coûts ont explosés, des estimations initiales « irréalistes », divers incidents et malfaçon lors du chantier, et dépeignent un chantier trop complexe et bercé de manoœuvres douteuses.
Nucléaire, enquête sur un fiasco français -- BFMTV (YouTube)
Malgré cet échec, Macron poussera en 2022 la construction de nouveaux EPRs nouveau modèle.
Ce qui est flagrant avec Flamanville, c'est pas tant les erreurs : toutes sont évitables à l'avenir, et même le défaut de cuve ne compromet pas tant la sécurité de la centrale que sa durée de vie. Ce qui est important, c'est que l'industrie a tout fait pour masquer ses erreurs et échapper à l'introspection par la société civile.
Le future politique#
Le nucléaire, c'est du long terme. On parle de 50 à 80 ans de cycle de vie pour une centrale. Le mandat présidentiel étant de cinq ans, il est difficile de prévoir qui sera au pouvoir dans trois mandats, donc on imagine pas dans 10. D'un point de vue politique, économique et culturel, où sera la france dans 50 ans ? Que feraient des fachos avec des panneaux solaires ? Ou, pour être moins alarmiste/complotiste (selon comment vous voyez les choses), qu'est ce qu'il se passerait au pire s'ils géraient mal des panneaux solaires ?
Désintégration démocratique#
On peut parler longtemps technique, mais par vertue d'être de la technique, on peut trouver des solutions, des contournements, discuter d'alternatives. Mais le plus grand problème à l'heure actuelle est l'opacité de l'industrie nucléaire. Quand on voit tout le merdier des "94% recyclables jamais recyclés" (voir le docu de Complément d'Enquête), c'est clair qu'ils n'ont aucune intention de construire un lien de confiance avec le grand public. Quant à Tchernobyl, la conclusion est qu'il n'y avait pas grand chose à apprendre car les centrales françaises y sont trop différentes (ce qui est bien) : mais le mensonge orchestré par l'industrie et l'état au travers des médias rapport au nuage radioactif montre le dédain pour la population de la part de cette industrie, et les vidéos sponsorisées par des vidéastes pour dire "regardez, c'est safe !" n"y changeront rien. On est au delà de la (re)construction d'un lien de confiance. Le chantier est tellement gros, le trou qu'ils ont creusés eux-même (que les écolos aimeraient seulement avoir à leur crédit) tellement grand, qu'ils ne pourront jamais le réparer à temps pour le ✨grand défi du siècle✨, tout du moins en respectant le fonctionnement démocratique.
La pipeline est simple : le nucléaire a, factuellement, d’énormes avantages sur les autres énergies, de part sa capacité à produire énormément d’énergie, à peu cher (rapporté au kWh) avec très peu de pollution. Sur cette base, les pro-nucléaires traitent la chose comme réglé et la nécessité de passer au full-nucléaire comme un fait scientifique qui n’a pas à être sujet à débats. De fait, les arguments (pertinents) avancés par les anti-nucléaires sur les questions de sureté, de souci de transparence, de surveillance… etc sont passés sous le tapis, même s’ils sont pertinents. Leur position est alors peinte comme des interférences de la solution™.
Dans cette lignée, l'industrie est obligée de passer par le lobbying, comme lorsqu'elle a fait intégrer le nucléaire aux énergies vertes :
Out with Science, In with Lobbyists: Gas, Nuclear and the EU Taxonomy (Reclaim Finance)
Dans le même ordre, le gaz a également été inclu comme "énergie de transition" malgré sa pollution :
Neutralité carbone : la nouvelle taxonomie verte européenne (gouvernement.fr)
Conclusion#
Face au choix imposé entre crever la gueule ouverte ou accepter une société alimentée par une industrie qui a déjà démontré par le passé et dans le présent sont fonctionnement opaque et autoritariste, il n’est pas étonnant que les gens cherchent une alternative.
On tisse un réseau complexe d’industries, toutes sujettes à des risques faibles mais à conséquences graves, qui parient sur l’absence d’échec malgré la complexité, le tout mis à l’abri par des pratiques anti-démocratiques. Même si on admet un potentiel au nucléaire, force est de constater que l’humanité n’est peut-être pas assez mature technologiquement et politiquement pour le nucléaire.
On parle ici de démocratie au sens large de "pouvoir du peuple", et non de démocratie représentative semi-présidentielle bi-camérale isotopique multi-facette à pois bleus
Ma position est donc c'est que la politique de la peur actuellement montée par les mouvements écologistes relève de la pure désinformation et aucunement d'une position démocratique. Mais au delà de ça, le problème central de l'industrie nucléaire, c'est le manque de transparence, ce qui est un euphémisme tant ça semble être dans l'adn de celle ci. Tous les problèmes de sécurité, de fiabilité, de tests, sont fondamentalement pas irrésolvables mais se rapportent à ce refus de se remettre à l'autorité de la société civile. Et c'est pour cela que je considère que le nucléaire ne peut pas être notre énergie salvatrice.
Une analyse superficielle des raisons à cela serait de faire un parallèle entre l'architecture physique et l'organisation : le nucléaire serait centralisé donc son organisation aussi. Je pense plutôt que le problème est qu'il s'agit du'e industrie de pointe, mise sous contrainte car à la fois à cheval entre expérimental et industriel et cheval salvateur de la société capitaliste. Sous des contraintes abstraites moindre, le nucléaire aurait pu briller.
Je suis loin d'être la seule personne a être arrivé à cette conclusion : mais il me semble important de souligner qu'il s'agit du vrai problème du nucléaire : on a pas besoin de passer par de la désinformation et des erreurs scientifiques pour critiquer le nucléaire.
«Le nucléaire est une énergie antidémocratique» -- Libération
Références#
Sortir du nucléaire -- Greenpeace
Complément d'enquête, Déchets nucléaires : quand nos poubelles débordent (FranceTV)
Dose Équivalent Banana, blog de Tristan Kamin
Nucléaire civil : énergie d'hier ou de demain ? - Le dessous des cartes -- Arte (YouTube)
Nucléaire : une solution pour la planète ? -- Arte (YouTube)
Nucléaire, enquête sur un fiasco français -- BFMTV (YouTube)