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[Archive] Blanc bonnet et bonnet abstentionniste

Article issu de mon vieux blog.

Read it aloud: play pause stop
3 min

Dans sa dernière vidéo (non pas celle-ci, mais celle-là) traitant de la la manipulation par la langue, l'on peut entendre Usul (en compagnie de Linguisticae) dire :

« L'Etat tire sa légitimité du vote »

Sous ses allures anodines, innocentes voire purement descriptives dans un contexte classique, cette phrase s'avère lourd de sens dans un texte traitant entre autres du "pouvoir". Plus précisément, cela signifie que le pouvoir se nourrit du vote (y compris blanc), présenté aux citoyen-nes comme leur propre pouvoir de décision sur l'État. S'en suit une évocation de la culpabilisation des "mauvais citoyens" qui s'abstiennent.

Cette sacralisation du vote est si installée que même dans les milieux militants, pourtant vus comme "alternatifs", sa remise en cause provoque généralement un débat houleux et surtout très polarisé, à savoir celles et ceux qui défendent le vote et celles et ceux qui le critiquent. Il faut néanmoins évoquer, avant toute précipitation, les motifs de cette remise en cause par certain-es. Beaucoup remettent à vrai dire plus les facteurs en place que le vote lui-même, à savoir les partis et l'écosystème politique les maintenant en place et assurant que ce même système se justifie par lui-même. Pour d'autres, il s'agit surtout de revoir la façon dont ce vote est effectué, notamment en France : de nombreux systèmes existent, certains déjà appliqués dans d'autres pays ; cette manière de penser se heurte néanmoins à une critique assez répandue en statistique mettant en exergue qu'aucun système de vote n'est de toute façon parfait (à voir pour plus de précision, "La statistique expliquée à mon chat", citée en fin de vidéo). Enfin, la variante la plus acerbe de ces critiques, remettant en cause le principe même de vote (ne serait-ce à l'échelle d'un état) et proposant diverses alternatives démocratiques ou non selon les courants de pensées, allant du tirage au sort à la monarchie, en passant par le refus pur et simple d'une quelconque organisation gouvernementale ou assimilée.

L’abstentionniste est donc perçu comme un-e fainéant-e, inintéressé-e par la politique et de manière générale par tous les pendants sociaux de la société. Il est souvent reconnu qu'une minorité agit effectivement ainsi par lassitude du système, mais cela s'accompagne toujours d'une incitation à plutôt s'exprimer au travers du vote blanc. deux choses viennent donc en travers de cette logique : d'une, l'évidence du "c'est par fainéantise", valable que si l'on ne considère effectivement la situation qu'au travers d'un vote comme outil démocratique absolu ; j'évoquais plus haut l'auto-justification, on est en plein dedans. Si on ne peut pas non plus éliminer cette possibilité d'un revers de la main, des statistiques claires et surtout récoltées de manière crédible tiennent de l'exercice périlleux tant le concept de "flemme" serait compliqué à définir et à déceler au travers d'un quelconque protocole. Ainsi arrive donc la seconde faiblesse de ce raisonnement : considérer sans base solide que cette flemme est une cause auto-suffisante, et non une conséquence d'un environnement politique toxique en place depuis des dizaines/centaines d'années.

Le résultat est là : toute critique du "vote" ( du moins encore une fois, tel qu'en place actuellement) est résumée à un refus irresponsable de choisir entre les partis existants, et dont la réponse est inéluctable : "au pire, vote blanc". Pour reprendre des concepts évoqués dans la vidéo associée à ce billet, il s'agit d'un discours, qui construit une réalité dans laquelle la solution proposée s'impose comme logique et unique à l'auditeur, qu'iel le veuille ou non. Pendant ce temps là, dans le vrai monde de la vérité véritable, chacun a ses raisons de ne pas voter : refus des partis, refus du système, refus du vote, et parfois de manière justifiée ou non, par fainéantise. Cela balaye donc toutes les alternatives possibles, y compris certaines pourtant assez proches du système actuel comme la démocratie directe (qui est elle aussi critiquable, mais pour d'autres raisons). L'abstentionnisme n'est pas un équivalent malhabile et bas-de-plafond au vote blanc : c'est un refus de légitimer le système politique dans son ensemble, et non un simple appel à réformer le paysage politique français.